RAYMOND

affiche du musee memorial de la poche de Colmar
Le Musée Mémorial de la Poche de Colmar

Musée Mémorial de la Poche de Colmar

Je remercie Mr. Laurent Kloepfer qui a pris le temps pour cet entretien et a répondu de manière détaillée à mes questions sur le Musée Mémorial de la Poche de Colmar. J’ai voulu faire un article sur ce musée, puisque Raymond a participé, en Janvier 1945, aux combats de cette poche. Dans le livre, son témoignage est donc celui d’un incorporé de force, obligé de soutenir des combats contre la libération de sa propre région.   

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Laurent, j’ai 50 ans, je suis bénévole au sein de l’association du Musée Mémorial depuis plus de 20 ans et je suis membre du conseil d’administration depuis 10 ans. Je gère la partie administrative, le fonds documentaire et j’effectue des visites guidées, des recherches historiques…

 

Comment êtes-vous personnellement lié à l’histoire de la Poche de Colmar ?

Comme la majorité des alsaciens, ma famille a subi l’annexion de l’alsace par les nazis en 1940 pendant 4 ans jusqu’à la « délivrance » après les âpres combats de libérations de fin novembre 1944 à début février 1945 pour la poche de Colmar. Mes 2 grands-pères ont été incorporés de force dans l’armée allemande après août 1942 et heureusement ils ont survécu contrairement à 30 000 d’entre eux (sur les 130 000 alsaciens et mosellans) qui ne sont jamais rentrés (sinon je ne serais pas là pour vous répondre). Notre histoire locale me tient à cœur et à présent que cette génération a quasi disparu je souhaite perpétuer leur mémoire.

 

Pouvez-vous nous présentez le musée de la Poche de Colmar ?

Situé au cœur d’une cité médiévale, dans un magnifique caveau du XVIIIe siècle, ayant servi d’abri aux habitants de Turckheim au cours des combats de janvier 1945, il est un musée du souvenir. Il a une « mission » de messager de l’histoire et de gardien d’un patrimoine historique dédié à la mémoire de tous ceux qui, par leur courage et leur patriotisme, forgèrent le fer de notre Liberté.

 

Quand a-t-il était créé ?

Il a été inauguré officiellement le 11 novembre 1993 et a accueilli ses premiers visiteurs en 1994.
2024 sera la trentième saison d’ouverture.

 

Quelle est sa mission ?

Il est destiné à honorer tous les anciens combattants et civils, acteurs de cette page historique vécue par notre région au cours du terrible hiver 1944/45 ; ainsi que toutes les victimes civiles et militaires qui furent des milliers.
En résumé « Ne pas oublier » …pour que les générations actuelles et futures se souviennent de leur sacrifice et que nous profitons aujourd’hui de cette Liberté grâce à leur engagement passé.

 

Pourquoi l’avoir installé à Turckheim ?

L’un des créateurs du Musée était originaire de Turckheim et le maire de l’époque a de suite adhéré au projet et mis à disposition une première salle d’exposition permettant l’ouverture de ce lieu.

 

Quels étaient les premiers objets que vous avez exposés ? Et d’où viennaient-ils ?

Nous avons exposé des milliers d’objets en trente années et je n’étais pas présent à l’ouverture mais il y avait (et encore aujourd’hui) de nombreux dons d’anciens combattants français ou américains ainsi que des objets récupérés par les civils de l’époque. Nous attachons une attention particulière à raconter l’histoire, lorsqu’elle nous est connue, des hommes et des femmes qui se cachent derrière le matériel, les équipements ou les affaires personnelles présentés via des QR codes.

 

Combien avez-vous de visiteurs par an ?

Entre 18 et 20 000 visiteurs par an, ces 2 dernières années. Depuis sa création nous sommes à plus de 230 000 visiteurs.

 

Qui sont vos visiteurs principaux ?

10 à 11 000 visiteurs par an sont des Américains qui effectuent des croisières sur le Rhin et qui s’arrêtent dans notre secteur pour entre autres visiter le Musée Mémorial de la Poche de Colmar. Les autres visiteurs viennent des 5 continents avec une majorité d’Européens.

 

En quoi les combats de la Poche de Colmar ont-ils été des combats importants ?

Après le débarquement de Normandie, le 6 juin 1944 et celui de Provence, le 15 août 1944, l’armée allemande est contrainte de se replier au fur et à mesure de l’avancée des troupes alliées.
Une majorité du territoire national est quasi libérée fin novembre (en 2/3 mois) mais il reste l’Alsace considérée par les nazis, comme territoire allemand de fait, qu’il faut défendre coûte que coûte pour éviter le franchissement du Rhin.
Mulhouse au sud de la poche est libérée le 21 novembre 1944 et Strasbourg, au nord, est libérée le 23 novembre 1944. Colmar qui est, à vol d’oiseau, à 40 kms de Mulhouse et à 80 kms de Strasbourg, ne sera libérée que le 2 février 1945, soit après presque 2 mois et demi d’une lutte acharnée mètre par mètre (autant de temps qu’il a fallu pour libérer toutes les autres régions françaises hors des poches de l’Atlantique).

 

Quels ont été les conséquences de ces combats pour la région ?

A partir de septembre 1944, les civils sont réquisitionnés par les forces allemandes pour préparer les défenses de la région : ils doivent creuser des fossés anti-char, des tranchées, des positions fortifiées. Des milliers de mines sont enterrées (en 1947 plus de 440 000 mines ont été déterrées dans le Haut-Rhin) pour ralentir voire interdire la libération de la région. Les troupes allemandes vont se battre avec l’énergie du désespoir jusqu’au dernier homme, la dernière cartouche… Heinrich Himmler viendra en personne le 7 décembre 1944 à Colmar pour prendre le commandement des troupes allemandes dans la poche de Colmar et pour bien faire comprendre à ses hommes que le premier qui recule, ou cherche à se rendre, sera éliminé. Ce jusqu’au boutisme va malheureusement coûter cher en vie humaine des deux côtés.

 

Quels ont été les conséquences de ces combats pour les villages localisés dans cette poche ? Sur la population locale ?

Les villages au cœur des combats sont pour la plupart détruits voire anéantis, avec dans la majorité des cas des victimes civiles car les nazis n’autorisaient pas leur évacuation pour compliquer la tâche aux libérateurs. Nos civils, des plus jeunes aux plus anciens sont marqués à vie par cette tragique expérience malgré l’immense joie provoqué par la libération (ne pas oublier que chaque famille après-guerre va pleurer la disparition d’un père, un frère, un oncle…mort dans sous l’uniforme allemand qu’ils n’avaient pas choisi).

 

Quels sont les lieux de mémoires principaux rattachés à ces combats ?

Il est très difficile pour moi de choisir car il n’y a pas un endroit, un village, une ville dans la poche de Colmar, qui allait de Mulhouse à Strasbourg, avec comme délimitation les crêtes vosgiennes (160 kms de front) d’un côté et le Rhin de l’autre ; qui n’a pas été touché par ces terribles combats. Si je devais en citer quelques-uns je dirais : la nécropole de Sigolsheim (surnommée pendant les combats le blutberg par les allemands…la colline du sang), le Mémorial Audie Murphy à Holtzwihr, le pont du Bouc à Rixheim, Jebsheim, Grussenheim, le mémorial Jean de Loisy à Mulhouse et Rosenau, le mémorial d’Alsace Moselle et le camp du Struthof Schirmeck… ils sont beaucoup trop nombreux pour être tous cités.

 

Pour vous, pourquoi est-il important de se souvenir aujourd’hui de ces combats ?

Il est important de se souvenir du passé pour espérer ne pas avoir à le revivre et de rappeler aux générations actuelles et à venir que la Liberté à un prix, que ce n’est jamais acquis et qu’il faut rester vigilant face à la montée des extrêmes…la guerre n’est que désolation et malheur…il suffit de regarder ce qu’il se passe dans le monde entier…les gens oublient et cela recommence malheureusement.

 

Est-ce que vous pensez que la narration autour de ces combats a évolué avec le temps ?

L’histoire n’est pas figée, nous faisons tous les jours des découvertes grâce à nos recherches et celles des historiens, nos connaissances sont en constantes évolutions (nouveaux témoignages oraux ou écrits…). Même si le fond du sujet reste le même nous nous devons sur la forme d’évoluer avec les mentalités actuelles et les nouvelles technologies afin de pouvoir partager cette histoire à un maximum de personnes de milieux, d’origines et d’appétences très différents.

 

Quels sont les projets à venir pour le musée ?

Nous avons pour projet de nous agrandir afin de pouvoir présenter davantage d’objets, de matériel et d’histoires individuelles. L’idéal serait d’avoir 1000 mètres carrés d’exposition contre 250 aujourd’hui. Mais, pour cela nous aurons besoin d’une volonté politique, d’aides financières et de mécènes car nous ne pourrons pas le financer seul.

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J’espère que cet entretien vous a donné envie de visiter le Musée Mémorial de la Poche de Colmar et d’en savoir plus sur ces combats intenses de l’hiver 1944/1945 en Alsace, dont Raymond a pris part.
Pour avoir plus d’information sur le musée, n’hésitez pas à visiter son site internet et suivre sa page Facebook.

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