RAYMOND

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Florida France Soldier Stories

Qu’est-ce que le projet Florida-France Soldier Stories ? Et en quoi est-il relié au livre de Raymond ?

Le but du projet Florida-France Soldier Stories (FFSS) est de raconter les histoires personnelles de soldats de la Seconde Guerre mondiale, enrôlés en Floride qui sont partis se battre en Europe et qui sont morts lors de la libération ou de la reconstruction du continent. Dans l’immédiat après-guerre, les familles de ces soldats ont eu le choix de rapatrier le corps de leur proche, ou de le laisser enterré avec ses compagnons d’arme dans un des cimetières américains en Europe, gérés par l’American Battle Monument Commission (ABMC).1

 

Dr. Amelia Lyons de l’Université de Central Florida (UCF) à crée le FFSS en 2015. L’idée lui est venue suite à une conférence ou Dr. Mary Louise Roberts de l’Université de Wisconsin-Madison présentait son « Epinal Project ». Ce projet était lui-même né d’une demande d’un habitant des Vosges qui avait adopté la tombe d’un soldat américain et qui cherchait des renseignements sur cet homme originaire du Wisconsin.

 

Quand Dr. Lyons a entendu la présentation sur le « Epinal Project », elle cherchait un nouveau projet pour sa classe History and Historians, une classe où les élèves sont exposés aux méthodes et techniques utilisées par les historiens, et elle a décidé de calquer cette idée sur des soldats de Floride. 

Bandeau du Florida France Soldier Project

Au début, le Florida France Soldier Stories ne couvrait que deux ou trois semaines du trimestre de cours. Les recherches et l’écriture des biographies étaient faites en collaboration entre deux ou trois étudiants. On le ressent, d’ailleurs, à la lecture de biographies plus anciennes pour certains soldats enterrés à Epinal. Mais rapidement, Dr. Lyons s’est rendu compte que ce projet contenait tous les éléments pédagogiques essentiels pour son cours et elle a remodelé entièrement sa classe autour de ces biographies.

 

Aujourd’hui grâce à ce projet, les étudiants qui suivent cette classe, apprennent à rechercher, travailler et interpréter des sources primaires et secondaires, à référencer leurs sources suivant le style Chicago, à créer une bibliographie, à utiliser Google Maps pour suivre l’itinéraire de leur soldat, à relire et commenter le travail de leurs pairs et à faire évoluer une version préliminaire de leur biographie. Cette classe est très dense mais offre une vision complète du travail d’un historien. De plus, les étudiants peuvent ensuite noter dans leur CV qu’ils sont à l’origine d’une publication.

 

Mais une fois le semestre terminé, le travail est loin d’être fini. Pour assurer le sérieux et la qualité du projet et des biographies proposées au public, une petite équipe d’étudiants de Master et de PhD en histoire, toujours sous la direction du Dr. Lyons, récupère les biographies, les vérifient et les retravaille si nécessaire. Ce process de révision est long, les biographies passent au travers d’au moins trois correcteurs. Il faut donc encore entre un à deux semestres avant que la biographie finale ne puisse être publiée.

 

Si le Dr. Lyons avait le projet de publier ces biographies dès le début, c’est le ralentissement de l’activité pendant le COVID qui lui a permis de réaliser cet objectif, sous forme d’un site internet. Avec l’aide d’une étudiante en Master, Elizabeth Klements, qui n’avait pas de connaissance informatique particulière et qui a fait un travail titanesque, elles ont créé le site actuel. Pour ma part, je suis rentrée dans le projet début 2022, pour mettre en place, entre autres, la partie mapping. Le site a finalement ouvert en novembre 2022, qui est le mois où les anciens combattants américains sont mis à l’honneur aux Etats-Unis.

Page de présentation Florida France Soldier Stories

Le projet s’est également étoffé en intégrant deux partenariats importants au sein de UCF : RICHES (Regional Initiative for Collecting the History, Expérience and Stories) qui trace et enregistre digitalement les sources primaires présentées par le FFSS, et CHDR (UCF Center for Humanities and Digital Research) qui aide la recherche interdisciplinaire pour les départements d’art et de recherches sociales en proposant une expertise et un soutient informatique et digital.

 

Aujourd’hui, le site propose 39 biographies avec des soldats répartis sur trois sites : le cimetière d’Epinal à Dinozé, le cimetière de Lorraine à St Avold et le cimetière du Rhône à Draguignan. Nous n’avons, pour le moment, pas encore touché aux cimetières de Normandie et de Bretagne.

Au total, il y a 396 Floridiens enterrés en France dans ces cimetières américains de la Seconde Guerre mondiale, sur plus de 30 000 tombes. Nous savons que nous n’arriverons jamais à écrire toutes ces biographies, néanmoins le mapping nous permet de tous les commémorer en marquant leur tombe sur nos cartes et en y faisant figurer au travers d’une fenêtre pop-up, leur information tel leur nom, leur grade, leur unité…

Mais, vous allez me demander en quoi ce projet est relié au livre de Raymond ? 

En fait, il est à l’origine de mon propre projet personnel. Raymond est décédé en 2009. A sa mort, personne dans la famille n’avait vraiment envie de récupérer ses classeurs de recherches. Je savais qu’il y tenait énormément et dans un premier temps, je ne voulais pas que son travail soit détruit. Je les ai donc pris et stocké en Alsace. Mais, en 2017, mon lieux de stockage a disparu et j’ai finalement pris la décision de les expédier en Floride.

 

Pour moi, ces classeurs n’ont pas leur place en Floride. Ils renferment des informations sur l’Alsace et les sortir de la région c’était couper l’accès à cette information aux personnes potentiellement intéressées. J’ai donc rapidement ressenti un problème d’accessibilité.

 

Un second problème s’est également posé rapidement lorsque j’ai pris le temps de parcourir en détail les classeurs. Raymond y avait conservé un grand nombre de documents originaux et de photos. Comment préserver ces éléments ? La Floride offre un super climat pour les vacances mais affreux pour la préservation. Le taux d’humidité y est très élevé et les matériaux sont soumis à rude épreuve.

 

Ce sont donc avec ces deux problématiques en tête et le « quoi faire de ces documents » qui m’ont poussé à contacter le Dr. Amelia Lyons, fin 2017. Après une seule rencontre, j’étais inscrite dans sa classe History and Historians, pour la rentrée de janvier 2018 : ça lui permettait de juger ma motivation et mon engagement et moi ça me permettait de voir ce qu’était le programme d’histoire à UCF.

La suite a été incroyable:  j’ai littéralement été happé par cette classe, puis par le département d’histoire de UCF.

Pour le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, la classe de Dr. Lyons s’est exceptionnellement concentrée sur des floridiens ayant participés aux combats de 1917-1918 et qui sont enterrés dans un des cimetières de l’ABMC de la Première Guerre mondiale en France.  J’ai donc recherché et écrit une biographie, tout en apprenant et utilisant les bonnes pratiques des historiens.


A l’été 2018, j’ai eu la chance de faire parti d’un voyage d’étude, en France, pour visiter les lieux sur lesquels nous travaillions. En 2018 et 2019 j’ai intégré un premier projet, les VLP que je développerai dans un article ultérieur, qui est également très proche de ce que nous faisons avec les FFSS. Ça m’a même permis de présenter notre travail en conférences et colloques.

Les cours de UCF et l’expérience professionnelle acquise avec les VLP et le FFSS ont été cruciaux pour exploiter les documents de Raymond. J’ai réutilisé les techniques, les modes d’interprétation et parfois même les sources qui sont au cœur de ces deux projets. Sans ce parcours, le livre Raymond, 1939 : Mon grand-père alsacien avait 20 ans n’aurait jamais pu exister.  

 

S’il me reste, encore aujourd’hui, des questions sur l’accessibilité et la conservation des documents de Raymond en ma possession, j’ai l’impression, grâce au livre, d’avoir au moins fait un pas en avant dans le partage et la pérennité de cette l’information.

  1. L’ABMC gère en tout 26 cimetières permanents américains et 29 monuments fédéraux répartis dans 15 pays différents. Juste en France il y a cinq cimetières uniquement pour la Seconde Guerre mondiale, cinq cimetières uniquement pour la Première Guerre mondiale et le cimetière de Suresnes qui accueille principalement des soldats américains de la Première Guerre et 20 soldats américains inconnus de la Seconde Guerre. 


Contrairement à une idée reçue, le sol de ces cimetières est bien français et est régi par l’accord No3974 signé le 19 mars 1956 entre la France et les Etats-Unis. Cet accord met à disposition du gouvernement américain les terrains libres de toute charge et de toute servitude, uniquement dans le but d’établir et de d’entretenir des cimetières permanents pour les ressortissants américains victimes de la guerre 1939-1945.

Les termes du contrat sont donc très précis et les anciens combattants américains revenus chez eux après les combats, malgré de nombreuses demandes, n’ont pas eu le droit de se faire enterrer dans ces cimetières. Il fallait que le soldat décède sur le sol Européen et dans une limite de temps définie.

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